Ce n’est pas sombrer dans la bisounourserie que de croire dans le progrès qui passe aussi par l’étude de et dans l’espace. Ne ratons donc pas la chance d’être fiers de l’un des nôtres quand on a la désagréable impression que « tout fout le camp ».

Thomas Pesquet, 43 ans, bac plus à rallonge, diplômé de grandes écoles aéronautiques, ancien pilote de ligne, en vol spatial pour la deuxième fois est, comme on dit dans les médias, « un bon client ». Jeune (et beau garçon, me souffle ma petite-fille), au-delà de ses compétences techniques et intellectuelles, il affiche aussi d’autres qualités : sympathique, souriant, excellent communicant et pédagogue. N’en rajoutons plus, la corbeille déborde déjà quand on évoque les qualités de ce brillant personnage qui, selon Les Échos, gagne 7 900 euros bruts par mois, bien loin des salaires des charlatans de la télévision et des stars du football.

Ça coûte cher

Est-ce raisonnable de dépenser autant d’argent dans ces missions spatiales, alors que tant d’hommes et de femmes sur Terre souffrent de la pauvreté ? C’est oublier un peu vite que les sciences en général, et particulièrement les expériences dans l’espace, ont permis des découvertes permettant de porter l’espérance de vie à un niveau difficilement imaginable il y a encore un demi-siècle, après le vol de Gagarine. C’est faire l’impasse sur les avancées biotechnologiques dans les domaines de la santé et de l’agronomie. C’est omettre que Thomas Pesquet et ses collègues vont travailler dix heures par jour pendant les six prochains mois avec, au menu, des centaines d’expériences. Exemple ? Le vieillissement du cerveau à l’échelle moléculaire en lien avec l’Institut Pasteur ; l’étude du sommeil avec les hôpitaux de Toulouse ; la télérobotique avec l’Université de Paris et le CNRS…

La science ne s’oppose pas à la pauvreté. La première doit permettre de lutter contre la seconde, à condition de la débarrasser de la course aux profits. Bref, du capitalisme prédateur.

Privatisation ?

Les candidats à faire de l’argent cognent à la porte. Il n'y a pas (encore) d'emprise de SpaceX ou de Blue Origins sur le secteur, mais une reconstruction de nouveaux liens entre les acteurs publics et privés. Déjà, par le passé, la Nasa achetait du matériel à l'industrie traditionnelle, comme l'avionneur Boeing ou le fabricant d'équipements militaires Lockheed Martin. Désormais, elle achète un service à une industrie qui a son propre matériel. Une grande différence : elle ne demande plus la construction d'une fusée, mais un service de transport largement payé avec de l’argent public. Ce qui fait dire à un responsable du CNRS : « Les entreprises fournissant tables et chaises dans les écoles françaises seraient-elles en train de privatiser l’Éducation nationale ? »

Compétition spatiale

Les grandes et moyennes puissances veulent chacune leur part du gâteau. Il est loin le temps où les États-Unis et l’URSS menaient seuls la « guerre des étoiles ». Désormais, 60 pays disposent d’une agence spatiale. Tandis que les États-Unis annoncent s’installer prochainement sur la Lune, la Chine et la Russie s’apprêtent à y déposer une base commune. Objectif : Mars.

Des pays comme l’Inde, Israël, les Émirats arabes unis, affichent leurs prétentions. Toutes ces ambitions ne visent pas seulement le prestige. De nouvelles sources d’énergie sont en ligne de mire.
Thomas Pesquet doit bien avoir une petite idée sur ces questions. Mais lui, le nez sur le guidon et les yeux dans les étoiles, a une préoccupation immédiate : réussir sa mission.

José Fort

Photos : Thomas Pesquet