Le mot « ubérisation » a été conceptualisé par Maurice Lévy, le vieux patron surpayé de Publicis. Avec ce mot, il s’agit de nous vendre, au nom de la modernité, la fin du salariat via l’auto promotion des « auto entrepreneurs » rendue possible par la « numérisation » de l’économie. Tel est le rôle dévolu aux applications internet qui mettent en relation des nouveaux travailleurs « indépendants » devenus des prestataires de services pour toutes sortes de clients.
Le mot « ubérisation » vient de l’intrusion de la société « Uber » qui met des propriétaires de voitures sur le marché pour concurrencer les taxis, propriétaires d’une licence qui leur a souvent coûté 150 000 € et plus. Voilà déjà une distorsion de concurrence.
Mais, dans la foulée, on nous vend l’idée que nous allons payer moins cher pour le plombier, le cuisinier et la coiffeuse à domicile, le voyage de Paris à Marseille en covoiturage, voire même, la promenade du chien quand il fait trop froid pour exposer notre vieille carcasse aux rigueurs de l’hiver. Tout cela grâce à un appel auprès d’une plate-forme numérique qui nous mettra en relation avec un prestataire de services.
« Airbnb » popularise l’hôtellerie sans hôtels, « Leboncoin » vend tout et n’importe quoi, mais ne possède rien. Ces nouvelles plateformes du capitalisme aboutiront à détruire plus de valeur et d’emploi qu’elles n’en créent. Derrière cette belle promesse d’économie de partage, ces sociétés sont les fers de lance d’un capitalisme qui n’a rien de solidaire, d’équitable et qui cache une réalité bien moins reluisante : celle de la « freelancisation » et de l’intermittence généralisée.
Ce qu’on appelle, à tort, l’économie collaborative ne consiste en réalité qu’à mettre au travail des gens sans forcément les rémunérer à la juste valeur des services qu’ils rendent.
L’homme qui lance cette mise en garde n’est pas un dirigeant national de la Cgt. Il s’agit de Bruno Reboul, enseignant chercheur à Paris Dauphine qui s’exprimait cet été sur le site Capital.fr au plus fort du conflit entre « Uber » et les taxis. Ce qu’il nous dit est révélateur sur cette « ubérisation » utilisée par le système capitaliste pour précariser le travail et sa rémunération. En octobre 2015, « Uber » a fait un pas de plus dans cette direction en imposant une réduction de la rémunération des chauffeurs sous sa coupe au moment de la prise en charge du client.
Mais cette économie du faux partage sera utilisée par le patronat pour tenter de tarir le financement de la protection sociale. La généralisation des auto entrepreneurs dépendant d’une plateforme numérique pour avoir du travail au jour le jour ne peut que mettre en faillite des artisans, des restaurateurs, des PME dans divers corps de métiers qui seront obligés de licencier des salariés qui, à leur tour, tenteront peut-être de devenir auto entrepreneurs. Lesquels dégageront de trop faibles revenus pour cotiser à hauteur des besoins pour le régime d’assurance maladie et les caisses de retraite que notre Sécurité sociale a mis en place à la Libération.
Soyons donc vigilants, les nouvelles technologies de communication ne doivent pas être dévoyées pour détruire la protection sociale.
Article paru dans Vie Nouvelle n°190.
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