Mai 1968- mai 2018. Un anniversaire qui dérange en haut lieu. En voulant changer la vie, en imaginant des alternatives à l’ordre économique, social et culturel établi, ils ont rêvé un autre monde. 50 ans après, l’espérance est la même. La CGT a prévu plusieurs temps forts liés au 50ème anniversaire de ce grand moment de notre histoire sociale.
Comme au bon vieux temps : plus le fringant président de la République est à l’œuvre, plus les reculs sociaux se forment. Du coup, colloques, débats, tribunes, assemblées syndicales : chacun cherche la voie de l’efficacité pour la riposte des travailleurs.
Certes, l’histoire n’est pas un modèle mais sa connaissance peut contribuer à éclairer les consciences, à conforter les analyses. Ainsi, 50 ans après, que peut nous enseigner Mai 68 ? D’abord la perspicacité, ensuite la confiance ! En effet, n’oublions surtout pas que : « Mai 68 n’a pas éclaté comme un orage dans un ciel serein », selon la formule de Georges Séguy.
Pendant que des observateurs de l’époque trouvent que la France s’ennuie, les militants de la Cgt révèlent les rouages mettant l’État au service du capital boostant ainsi l’extension du pouvoir des monopoles.
Certes, la consommation de masse pointe son nez, mais les « 30 glorieuses » sont surtout « piteuses »1 pour les travailleurs mal payés, contraints au travail émietté, répétitif, exécuté à un rythme de plus en plus soutenu.
La division syndicale (scission 1947), la guerre froide, puis la guerre d’Algérie, telle une chape de plomb asphyxient les luttes sociales. La classe ouvrière souffre.
Cherchant l’issue, la Cgt, dans ses congrès confédéraux, pose la question de l’union des forces de gauche comme condition essentielle d’une alternative au gaullisme 2 ; au plan syndical pour rompre son isolement, elle parvient à sceller, avec la jeune CFDT, en janvier 1966, un accord d’unité d’action en six points3, pour lequel le recul infligé à de Gaulle par les mineurs, en 1963, a compté.
Les appels CGT-CFDT nationaux à l’action4 confortent les luttes locales d’autant que la croissance économique est toujours au rendez-vous, même si le nombre de chômeurs est à la hausse. Au cours de l’année 1966, on compte plus de trois millions de journées de grèves, 4,2 millions en 1967, le record depuis 1958. Aux élections législatives de mars1967, sept ouvriers sur dix votent à gauche, la majorité gaulliste n’est plus que de sept députés.
Pour autant, la bataille des idées ne cède rien : les dominants se gargarisant du « compromis fordien », sorte d’entente tacite entre le capital et le travail qui promet aux travailleurs une part des fruits de la croissance dans un système capitaliste maintenu.
Mais c’est trop tard ! Le réel prend enfin le dessus et les grèves conduites avec patience, souvent dures et prolongées, parfois élargies à FO et à la CFTC, marquent la vie du pays en dépit de la répression patronale, et des lock-out.6À Paris, le 1er mai 1968, la manifestation CGT (première autorisée depuis 1954) rassemble 100 000 personnes.
Et, en avril 1967, les mesures économiques et sociales, dont la gestion de la Sécurité sociale, prises par ordonnances, encouragent les grèves et manifestations. Cette remontée de la lutte collective, qui a conduit à Mai 68, est le fruit de la réflexion syndicale, de l’unité, de la confiance, de la détermination. Ce fut long, parfois douloureux, le slogan « 10 ans, ça suffit ! » souvent repris en 1968 en est l’illustration.
La mobilisation étudiante construite dès 1967compte aussi dans l’élargissement des luttes.
De plus, la violente répression policière, au cours de la nuit du 10 mai, donne lieu à la puissante journée de grèves et de manifestations du 13 mai sous le mot d’ordre « Étudiants, enseignants, travailleurs, solidaires ». À partir de ce moment, la grève avec occupation s’étend7.Certains estiment alors que la classe ouvrière vient de prendre la main.
Elyane Bressol
Présidente de l’Institut CGT d’histoire sociale 2007-2017
NOTES
1- Guy Caire, IHS-CGT
2- En 1959, 1961 puis en 1965. En décembre 1967, la Cgt adresse un Mémorandum aux partis de gauche dans lequel elle propose des discussions dans le but de conclure un programme commun de gouvernement.
3- L’Accord d’unité d’action CGT-CFDT, André Narritsens, Les Cahiers de l’IHS-CGT, mars 2006.
4- Grèves nationales interprofessionnelles unitaires (CGT, CFDT, FEN) de mai 1966 et février 1967.
5- 350 000 en 1967, soit +16% en un an, et connaît une accélération pour être à 450 000 fin 1967.
6- Rhodiaceta Besançon et Lyon (28 février-22 mars 1967) ; Berliet (25 février- 29 mars) ; Mineurs de fer ; sidérurgistes, Saint-Nazaire ; Sud Aviation ; Forges de l’Ouest ; Arthur Martin ; Ducellier, Merlin-Gérin ; Kodak, Éternit, Traminots Montpellier … : la liste est longue.
7- 14 mai, occupation de Sud Aviation à Nantes ; le 15, Renault-Cléon ; le 16 c’est le tour de Flins et Billancourt et des centres de tri postaux ; le 17, le nombre de grévistes passe de 100 000 à 300 000 ; le 18, les cheminots posent le sac ; le 22, les fonctionnaires, les vendeuses des grands magasins renforcent les rangs des grévistes qui sont alors plus de six millions.
Au siège de la CGT (sur invitation)
- Le lundi 14 mai à 18h : vernissage de l’exposition 1968-2018 (patio Georges Séguy, du 14 mai au 7 septembre 2018).
- Le mardi 15 mai à 17h : table-ronde sur le thème « Mai-juin 68 : 50 ans après ! » en présence de Sophie Béroud, Gilbert Garrel, Sébastien Godin, Aimé Halbeher, Jeanine Marest et Michel Pigenet. Cette conférence sera suivie d’un apéritif musical.
- Le jeudi 17 mai à 14h : conférence gesticulée de et avec l’historien Gérard Noiriel intitulée « On a raison de se révolter ».
La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Le 2ème tome de ses mémoires en images est paru ! Editions Dupuis