- Il soufflait dans Bugur tout en haut de son chêne et tous accourraient de partout.- Son arc vibrait, la flèche sifflait, touchant droit au but à chaque fois !- Il défendait le peuple.- Tout habillé de vert, tel un lutin…- Il chantait comme un merle…- C’était un joyeux coquin…- Will l’Écarlate, Allan a Dale, Stutely, Much, Tuck, Petit Jean l’accompagnaient partout.- Une fois il a gagné une flèche d’or offerte par la belle Marion !- Il est mort à Kirblers… Une vieille religieuse pour venger son frère l’aurait saigné à blanc…- On l’a enterré près de la Calder sous une pierre.Discrètement, le vieux était sorti sans bruit, qu’aurait-il pu leur dire ? Année : 1970 . (p. 367) 2. À la suite du tournoi, une “embuscade en forêt” place Ivanhoé, Isaac et la belle Rebecca entre les mains des Normands. Le caractère symbolique de ce chevalier en armure est d’ailleurs renforcé dans le parallèle qui s’établit avec la figure de l’outlaw de la forêt. Tel est le sens de la théâtralité exagérée de la grand-salle, où les tables se distinguent notamment par des différences de niveau : Dans une salle, d’une longueur et d’une largeur démesurées en proportion de la hauteur, une longue table, en planches de chêne grossièrement débitées et à peine polies, était dressée toute prête pour le repas du soir de Cédric le Saxon. Il suffit alors de figurer un visage et quelques fragments d’accessoires pour permettre la reconnaissance de Robin (ill. XVIII). Mais Walter Scott n’invente pas le héros, surgi dans des récits oraux au cours du xiiie siècle, puis repris dans des ballades populaires. 19La scène est truculente. D’ailleurs, Walter Scott présente son insolent archer Locksley vêtu de Lincoln (probablement un lainage) vert. D. KING-SMITH, Le Chevalier désastreux, 1990, p. 20. Aucun chevalier de roman ne parviendra jamais à éclipser la gloire d’Ivanhoé parce qu’il est l’inventeur de l’arme même qui les fait héros : l’armure protectrice capable de transformer l’enfant solitaire et fragile en adulte invincible. ... Compagnie d'Expertise en Antiquité et objets d'art" Livraison en 48h pour toute commande passée avant 16h partout en France Metropolitain* Le toit, composé de poutres et de chevrons, ne séparait la salle du grand air que par une cloison de lattes et de chaume. Sir Walter Scott, ( 15 août 1771 à Édimbourg - 21 septembre 1832 à Abbotsford ) est un poète et écrivain écossais. Un jour qu’il s’est égaré hors de Sherwood, le vieil homme est recueilli par des paysans qui l’invitent à partager leur repas et leur veillée. 46Mais plus encore que fragile, ce chevalier d’invention est notoirement absent du récit qui conte ses aventures, comme si Scott avait à cœur d’effacer au maximum la trace de son héros. Emblème totémique, la plume fait Robin un personnage aérien, homme des hauteurs dont les apparitions subites laisseraient presque croire qu’il sait voler. Ce que manifestent les hommes de Robin en faisant symboliquement subir un charivari au shérif de Nottingham, c’est leur colère de ne pouvoir prendre femmes, réduits qu’ils sont à une inconfortable existence sylvestre. Le vert précise la nature de cette échappée : elle est, d’abord, sylvestre, et le vert de Robin est pour partie emprunté à la forêt dont il a fait son royaume. (p. 6)Adaptation Henriette-Anne RÉGNIER, Delagrave, 1939. (p. 155). Or quel est ici le préjudice d’ordre sexuel subi par la communauté des outlaws ? Car le personnage, en définitive, est le héros idéal de l’enfance. Rendu à la forêt, ayant laissé loin derrière lui les oripeaux de sa vie humaine inaboutie, Robin semble avoir déjà quitté la vie. 120La nuit de noces évoquée dans Pauvre Chevalier est à cet égard significative. 21C’est d’ailleurs en forêt qu’a lieu le quatrième et dernier repas évoqué dans le roman. Ainsi Ivanhoé, le bon fils, suit-il Richard en croisade, de même qu’il le suit symboliquement sur la voie de la chevalerie. La particularité subversive de Robin des Bois, au sein de ce corpus de récits moyenâgeux, réside dans sa capacité à brouiller systématiquement les codes idéologiques qui sous-tendent la diégèse, en paraissant ce qu’il n’est pas. 127À travers cette interprétation des albums parodiques destinés aux plus jeunes, c’est l’unité fondamentale de ce corpus de livres pour enfants évoquant le Moyen Âge qui se trouve reconstituée. 45Peut-être une bonne part du public n’a-t-elle pas conscience de cette dimension du héros, tant les versions les plus répandues (celle du film de Thorpe surtout) ont remanié le texte. Les Aventures de Robin des Bois (1938) Streaming Film Français Gratuit. Dans d’autres, irrésistiblement attiré par la liberté et la joie de son existence sylvestre, il retourne à Sherwood — mais c’est pour y mourir. Arnaud ALMÉRAS, Courage, Trouillard, 1999, p. 5. Au centre se trouvait une grande clairière tapissée de mousse, où coulait un large ruisseau. 94L’épisode d’Alan-a-Dale apporte une réponse sans ambiguïté. Elle seule peut désigner Robin comme le héros superlatif des aventures proposées dans le livre. Le premier, au protocole complexe, met en évidence la situation politique et raciale, faite d’inégalités et de rancœurs. Colin Mc NAUGHTON, Le Roi Éric le naïf, 1982. Par son incapacité à dépasser ce stade de l’insouciance, il témoigne de la nécessité, pour le jeune garçon, de s’arracher aux fantasmes d’une fusion avec les forces de la nature, et de s’affirmer comme homme, en endossant l’armure de l’adulte. Car les deux héros sont toujours au moins implicitement mis en parallèle, notamment parce que les deux récits se situent dans le blanc temporel constitué par l’absence de Richard Cœur-de-Lion. Mahaut pose affectueusement la tête sur le museau du dragon qui verse une larme d’émotion. 7 Voir les récits concernant Cartouche et Mandrin dans la littérature de colportage au xixe siècle. À moins que Richard ne revienne, autorisant alors la sortie de la forêt et le retour à la voie chevaleresque : adoubement, château, épouse. 16C’est cette fois un vil calcul politique qui dicte l’ordonnancement de la tablée. Son récit se veut documenté et réaliste, au contraire des romans arthuriens qui se déroulent dans un Moyen Âge imprécis et … Le refuge sylvestre de Robin des Bois, dissimulé au plus profond de la forêt, protégé par des broussailles et offrant à ses hôtes la sérénité du sommeil, la chaleur du cocon, la protection du nid, évoque avec force le fantasme d’un retour au berceau maternel, voire à la quiétude fœtale. 109Robin des Bois est quant à lui le roman du mauvais père, et donc, par ricochet, celui du mauvais fils11. À travers ces trois repas successifs, Scott dresse la carte de son royaume de fiction et révèle sa préférence pour la forêt où se sont réfugiées les forces les plus loyales et les plus vaillantes du pays. La nécessité symbolique qui fait représenter Robin en rouge est sans doute plus forte encore que la pression conjointe du cinéma et de la logique. 47C’est donc la figure d’un Ivanhoé falot, discret, absent ou impuissant que dresse le roman de Walter Scott. De la chair de porc apprêtée de diverses façons apparaissait sur la partie basse de la table ; sur la partie haute on voyait de la volaille, du daim, du chevreuil, des lièvres, du menu gibier servi en brochettes et plusieurs espèces de poissons, le tout accompagné de pains massifs, de galettes et de confitures faites de fruits et de miel. De la même façon, Le Chevalier Tout η œuf propose, en guise de cloture du premier chapitre, une image d’armure démembrée et abandonnée comme un vêtement inutile, qu’on retrouvera, cette fois en ouverture de chapitre, dans Le Chevalier désastreux. […] Lorsqu’il corne dans Bugur, c’est Obéron, c’est le chant des racines, le secret des écorces et le murmure de l’herbe qui répondent à son appel, qui le préviennent de tout ce qui se passe dans tous les coins du bois. C’est donc à une construction très rigoureuse jusque dans sa symétrie que se livre Walter Scott. Elle introduit un élément dynamique au cœur d’un récit qui ne pourrait sans cela que se dérouler linéairement. Une nouvelle fois, le personnage romanesque bénéficie par contrecoup de la popularité du héros de cinéma. De force ou de gré, le shérif en prenait sa part. Difficile après eux de se faire un nom comme chevalier. (Martin Aurell, lettre). À l’opposé, Locksley est l’image d’un peuple fidèle et loyal, mais capable aussi de dérives dangereuses, auxquelles seule la présence physique du roi peut mettre un frein. Mais c’est le rouge qui connote ici l’héroïsme de Robin, selon une logique que suivent tous les albums contemporains : celui de Flammarion en 1938 ; celui de Delagrave en 1939 (sur la couverture), pourtant illustré de photographies en noir et blanc tirées du film, où Robin apparaissait vert, celui d’A. La figure d’Arthur, héritée de la littérature médiévale elle-même, aurait pu être la seule à régner sur cet univers de lectures d’enfance. Le banquet de noces n’est pas suivi de la nuit de noces, les jeunes gens réfugiés à Sherwood sont condamnés à se contenter de satisfactions orales. Mais c’est surtout en père qu’il s’illustre. Ces réjouissances du May Day renvoient probablement à des rituels agricoles pré-chrétiens ; elles sont l’occasion de danses rituelles populaires, les morris dances. ↑ Walter Scott, Ivanhoé et autres romans, présentation, notes, et traduction de Sylvère Monod, Jean-Yves Tadié et Henri Suhamy, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2007, 1631 pages, p. 1498. À quoi tient en effet cette puissance de père que le roman attribue à Richard ? Il est parfois aussi invité à danser, affublé de vêtements féminins, voire de cornes. Bien qu’engagé auprès de la séduisante Rowena, bien qu’amoureusement secouru par Rebecca, bien que considéré par Richard lui-même comme son bras droit, Ivanhoé est seul. Par cette dérision de l’armure en tant qu’objet, ils s’attaquent en réalité au symbole lui-même, et portent en germe une critique de cette conception figée des comportements. Ainsi Petit-Jean, comme Frère Tuck, doivent-ils en passer par l’eau pour entrer dans la bande de Robin, le premier à la suite d’une querelle de préséance sur un tronc jeté par-dessus la rivière, le second à cause d’une farce de Robin. Immature au début du roman, puisqu’il peine à s’imposer en son nom propre, Ivanhoé acquiert très progressivement sa légitimité de chevalier, jusqu’à triompher par les armes — à l’aide toutefois de quelques subterfuges de romancier. À son tour, le Chevalier Noir se fend d’un mensonge véniel, inventant une règle venue de Palestine, qui contraint l’hôte à partager la nourriture qu’il offre, à moins de susciter la méfiance. Enfin elle libère le meilleur des forces de celui qui s’en protège, lui permettant alors de faire la preuve éclatante de sa supériorité. Cet usage du rouge suppose un Robin encore mal connu du public, auquel il faut donc signifier la dimension héroïque par un usage consensuel du marquage chromatique. Ivanhoé, Robin des Bois : du personnage à l’archétype. À force de vivre en Sherwood, Sherwood vit maintenant en lui. C’est encore Pierre Dubois qui trouve l’expression la plus révélatrice du lien des outlaws à la forêt : De partout jaillirent ces gueux verts, en haillons, en justaucorps aux teintes de fougères, trogneux, agiles et rudes : une armée accouchée du ventre des plus forts chênes. 38Ce que j’ai mis en évidence à partir de cette rapide description se retrouve à chaque page : le roman de Walter Scott est massacré par les adaptations qui n’en conservent qu’une trame dépourvue de sa dimension métaphorique. (p. 15). Refuser l’institution chevaleresque et choisir la marge, dédaigner le château pour la forêt, préférer aux champs ouverts des tournois le combat furtif des sous-bois. 93Le banquet lui-même devient manifestation d’un pouvoir coercitif. L’histoire littéraire en a voulu autrement. Ce personnage a inspiré le roman de Walter Scott (Ivanhoé, 1819) ou le dessin animé de Walt Disney (Robin des Bois, 1973) où il apparaît sous les traits d'un renard. Reste cependant, pour exister, à utiliser l’espace qu’ils laissent libre. Les Saxons, pris en flagrant délit de gloutonnerie, révèlent leur manque de finesse, tandis que les Normands ont la piètre allure de courtisans serviles. Après le tournoi d’Ashby, où il a efficacement secondé Ivanhoé, le mystérieux Chevalier Noir s’enfonce dans la forêt. « A la stupeur générale, il va frapper le bouclier de Bois-Guilbert avec le fer de sa lance ». OpenEdition est un portail de ressources électroniques en sciences humaines et sociales. Repoussés vers le giron maternel de Sherwood par la désertion d’un père, les jeunes gens ne peuvent accéder à une sexualité mature, malgré le désir intense de posséder des femmes qu’ils manifestent dans ces charivaris poussés à leurs limites. 22L’improvisation est totale. (années 80). Et la belle armure de Trouillard devint le plus impressionnant épouvantail qu’on ait jamais vu, de mémoire de chevalier ! 41Tout d’abord, c’est un héros solitaire. Souvent d’ailleurs il ne reste qu’une seule table. Listen to the complete Ivanhoé book series. Ivanhoé est au contraire un roman dense et complexe, qui n’a pu léguer toutes ces scènes fondatrices à sa piètre descendance littéraire que grâce à une structuration interne très ferme. Déchiré par la passion contrariée qu’il voue à la superbe Juive, le templier ne semble trouver d’exutoire que dans le combat, qu’il s’agisse du siège de Torquilstone ou du duel final. Et en surimpression voit tomber des pantins de ferraille. Il y avait quatre banquets chez Scott, ici ils sont innombrables : banqueter est un art de vivre à Sherwood. Dès le xvie siècle en effet, le personnage de Robin est représenté lors des Fêtes de Mai, célébrations païennes du renouveau de la nature. D’autant que la prise de nourriture est ici agrémentée d’une rançon. Ces morris dances profiteront du renouveau folkloriste du xixe siècle. Ce qui frappe par ailleurs dans le deuxième tiers du récit, consacré aux ruses et aux exploits déployés pour venir à bout de Torquilstone, c’est le peu de place qu’y tient Ivanhoé. 110De la sorte semble renoué le lien entre ces deux histoires, celle du jeune chevalier et celle du hors-la-loi sylvestre, et l’ensemble du corpus des romans historiques contemporains. Victime de son succès, il est le plus mal traité des auteurs de romans moyenâgeux recensés pour cette étude. 34Scott lègue ainsi à la postérité un roman d’une grande richesse. Et les succès prévisibles des Normands au tournoi d'Ashby-de-la-Zouch doivent favoriser ses intrigues. Les verres de vin échangés, les aventures évoquées dans la simplicité sont aux antipodes des toasts portés solennellement par les convives du premier repas. Il est donné cette fois par les Normands, mais la liste des convives n’a pas non plus été établie par l’amitié ou le plaisir : On avait invité un grand nombre de personnes, et, dans la nécessité où il était de se rendre populaire, Jean avait étendu cette faveur jusqu’à quelques grandes familles d’origine saxonne et danoise, aussi bien qu’aux nobles normands et aux notables du voisinage. La peur, la honte, la rage l’empêchaient d’avaler une bouchée, mais la même peur l’obligeait à s’empiffrer sans discussion de tout ce qu’on lui présentait, dans la crainte d’y être invité d’une façon moins aimable. Reprends le nom des personnages rencontrés par Robin et complète le tableau. Passage obligé du roman de chevalerie, la lutte triomphale contre le dragon est l’occasion de faire la preuve de sa puissance, par la destruction. Opposé à Bois-Guilbert et ses alliés normands, Reginald Front-de-Bœuf (auquel le prince Jean a donné le fief d'Ivanhoé), Maurice de Bracy et Philippe de Malvoisin, le chevalier doit se battre, aidé par Robin des Bois, pour sauver Rebecca, fière beauté juive aux talents médicinaux, fille du marchand Isaac d'York, et permettre à Richard de retrouver son trône. Ses ouvrages valent à Walter Scott une célébrité universelle et exercent alors une profonde influence sur les écrivains romantiques. C’est elle aussi qui lui confère son invulnérabilité. La Chute est le roman grinçant de l’après-héroïsme. 2Le travail d’adaptation, fondamentalement différent de celui qui s’imposait dans le cas de littérature arthurienne, consiste davantage en réductions, altérations, filtrages destinés à surmonter les difficultés liées pour le jeune lecteur à l’ancienneté du texte. Il n’y avait pas de place pour un troisième chevalier, mais bien pour son antithèse. Avec l’or ils s’achetèrent une grande ferme. Tumbly discute d’égal à égal avec la bête démesurée dont les naseaux fument à quelques centimètres de son visage. C’est un pays aux mœurs déréglées qui se donne ainsi en spectacle au banquet d’Ashby. Télécharger le document Ivanhoé de Scott. Qu’il coure le moindre risque, et la vie de tous les gens du château payera pour la sienne ! Rigoureusement construit, il met en place des scènes et des réseaux de signification si puissants qu’ils ne pourront s’effacer des consciences, au point qu’on puisse y voir la source de bien des stéréotypes retrouvés dans les piètres romans moyenâgeux contemporains. Héros légendaire anglais, Robin des Bois incarne le défenseur des pauvres et le hors-la-loi au grand cœur. Au mépris de toute vraisemblance, mais célébrant le plus noble des partis, Scott a fait mourir Bois-Guilbert “victime de la violence de ses passions”. Pour cela, il tente de constituer un parti : le tournoi doit favoriser ses projets. La plus complexe de celles-ci, A Gest of Robin Hood, est imprimée une première fois vers 1500 et joue un rôle important dans le développement de la légende. C’est lui qui, tout au long de la scène, semble à la fois guider les opérations et prendre à sa charge les périls les plus grands. C’est autour de trois exemples (le banquet, le tournoi, la forêt) que je voudrais organiser cette illustration du processus d’érosion littéraire dont est victime le texte de Walter Scott. Le roman de Walter Scott n’est donc pas transgressif : il est inventif. Avec l’incendie du château de Torquilstone, c’est bien elle qui triomphe du château et de ses possesseurs. (p. 38)(Georges NAEF, 1994). Mais dans les versions d’Ivanhoé destinées aux enfants, il apparaît nettement que le texte originel de Walter Scott a eu moins d’influence sur les adaptateurs que les images accumulées par la culture populaire, qu’elles aient été produites par des romans, des films, des séries télévisées, des bandes dessinées… Walter Scott connaît une désolante postérité. Immédiatement traduit en Français, il devient un tel monument qu’on songe, dès les décennies suivantes, à l’adapter pour la jeunesse. Elle lui prodigue par ailleurs une quasi invisibilité puisqu’elle dissimule intégralement ses traits et l’autorise à endosser une nouvelle identité, Chevalier Déshérité ou Noir Fainéant. Attabler ensemble tous les protagonistes permet à Scott de rendre immédiatement lisibles les relations de pouvoir et de connivence, les solidarités spontanées, ainsi que la lutte sourde entre deux ordres sociaux. Ivanhoé survient en France alors qu’on ignore encore Arthur. Si bien que lorsque paraît, en 1850, Le Walter Scott des enfants1, les esprits enfantins sont préparés à lire ces aventures de chevaliers et de templiers de retour de Terre sainte. Les anthropologues insistent sur la nature sexuelle du préjudice que la jeunesse estime subir. Son regard est devenu comme deux mares enfouies dans la broussaille, masquant derrière le reflet d’un miroir liquide tous les secrets d’une vie invisible. Sa physionomie, dès sa première apparition, trahissait son caractère emporté, son éloignement de la modération dont au contraire Ivanhoé allait faire preuve tout au long du récit. Par auteurs, Par personnes citées, Par mots clés, Par géographique, Par dossiers. 44Certes matérialiste, Ivanhoé apparaît surtout faillible. Alors qu’Ivanhoé est mis en difficulté par l’assaut simultané de plusieurs barons, le Chevalier Noir vole à son secours, puis se retire, lui laissant le bénéfice d’un affrontement duel dont il va se sortir vaillamment. D’ailleurs, s’ils s’y révèlent si piètres, c’est tout simplement parce que les épreuves qu’on leur impose sont prématurées, et qu’ils n’ont pas encore acquis les compétences et la maturité nécessaires au franchissement de ces étapes. Le Chevalier Noir se dépouille de son heaume et des autres pièces de son armure et révèle ainsi, en même temps que sa confiance, ses véritables traits. Puis c’est à la poterne elle-même qu’il s’attaque, toujours à la hache. 122Reprenant l’une des fameuses aversions des enfants, l’enfilage des vêtements étouffants où l’on craint toujours de rester enfermé, les auteurs se jouent ici avec beaucoup d’humour du symbolisme de l’armure. 30À la lumière de cet incipit, il ne paraît pas déraisonnable de parcourir le roman entier en prenant cette forêt pour fil conducteur. Il pressent que désormais, il devra se résigner à traîner cette patte tordue comme un sarment. Or seule l’Angleterre a gardé vivaces, sous cette forme du moins, les traces de ce culte païen lié à la célébration du renouveau de la nature. En 1840, Pierce Egan publie le premier roman spécifiquement écrit pour les enfants, Robin Hood and Little John. Le personnage inventé par Scott va re-fonder la tradition littéraire du chevalier de roman, bien avant qu’on ne redécouvre les textes médiévaux mettant en scène la chevalerie. Le récit réalise donc en actes ce que le rituel social ne faisait que mimer : la revendication, par une classe d’âge, d’un véritable droit sexuel sur les femmes en âge de se marier. Textes fondateurs, le cycle arthurien, Ivanhoé et Robin des Bois sont parvenus à se tailler la part du lion au sein de ce corpus de récits moyenâgeux pour la jeunesse, alors même qu’ils n’avaient pas été originellement conçus pour un public enfantin. D’autres adaptations suivront : un Ivanhoé “à l’usage des bibliothèques populaires” en 1876, un autre “adapté pour la jeunesse” en 19112. Son Robin des Bois est un hymne à la nature, et Robin y apparaît effectivement comme le génie de Sherwood, un être au statut intermédiaire paré de toutes les vertus sylvestres : C’est Robin des Bois ! DGngue démesurée, elle est aussi peu adaptée au héros qu’au chat ridicule qui s’est affublé du heaume délaissé. Par la suite, Ivanhoé triomphe de Bois-Guilbert au fameux “tournoi d’Ashby” — toujours incognito, avec l’aide d’un “mystérieux Chevalier Noir”. Si le héros tarde à se fixer dans sa forme définitive, le processus semble achevé dans les années 1990. 11Qu’on observe seulement : le roman s’ouvre sur une “rencontre en forêt”, immédiatement suivie de la “découverte du château”, deux étapes essentielles du démarrage de tout récit moyenâgeux pour la jeunesse. Il ne poursuit pas d’énigmatique Graal. Au point que l’ermite de Copmanhurst, comme il prétend se nommer, feint de se souvenir de l’existence de provisions, déposées là par un forestier bienveillant, mais auxquelles les règles de son ordre lui interdisent de toucher. En effet, si Ivanhoé fait un peu pâle figure dans cette scène où éclate son impuissance, la figure du Chevalier Noir prend en revanche un relief considérable au cours de l’attaque de Torquilstone, au point d’en constituer le personnage principal. Pour comprendre le sens de ce basculement progressif du rouge au vert, il faut remonter en deçà de 1945 — en deçà même de 1938, date à laquelle le succès considérable du film de Michael Curtiz, où Eroll Flynn incarne Robin, est l’occasion de nouvelles adaptations romanesques destinées aux enfants. Parti combattre en Terre Sainte, le roi d'Angleterre, Richard Cœur de Lion, disparaît mystérieusement. Une fois “ondoyés”, les personnages changent de nom : Jean Petit devient Petit-Jean, Will devient Will L’Ecarlate. Les regards de désir qu’échangent les personnages dans le film de la Warner ne laissent aucun doute à ce sujet. N’est-ce pas une attitude quelque peu paternelle dans sa prévenance ? Ses continuateurs s’en souviendront. 51Certes, Ivanhoé est menu, alors que dès ses premières apparitions le Chevalier Noir a semblé solidement bâti. Il étouffait, et on lui ingurgitait une pleine cruche de liquide. C - 13013 Marseille FranceVous pouvez également nous indiquer à l'aide du formulaire suivant les coordonnées de votre institution ou de votre bibliothèque afin que nous les contactions pour leur suggérer l’achat de ce livre. Jost, illustré par Wurth et publié sans nom d’éditeur ni date, mais qui s’inspire aussi très étroitement des images du film ; celui des éditions Hier et Aujourd’hui en 1946 ; celui que Calvo illustre pour les éditions G.P. 108Robin des Bois et Wilfrid d’Ivanhoé, réunis pour la première fois par Walter Scott, sont donc bien deux archétypes exactement symétriques qui, à travers des itinéraires antagonistes, finissent par transmettre des valeurs semblables.