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Loisirs › Ecouter/Voir

Histoire. Pierre Dac ou l’énergie du rire

Le parcours de l’exposition, Pierre Dac. Du côté d’ailleurs, étant chronologique, on commence comme il se doit par la présentation de la famille, photos à l’appui. Sa mère, Berthe Kahn, dont les parents s’installent à Châlons-sur-Marne après l’annexion de l’Alsace-Lorraine en 1871. Son père, Salomon Isaac, boucher de profession, venu de Nancy. Ils auront deux fils : Marcel (1897-1915) et André (1893-1975), envoyés au front de la grande boucherie. Le premier y laissera sa peau – on écoute chagrin la lettre adressée à son frère lui expliquant les circonstances du décès –, le second en gardera de vilaines blessures. Place au cabaret, dès les années 1920, où la salle dédiée s’orne de rideaux pourpre et de photos du chansonnier. C’est à La Vache enragée qu’il a pris son nom de scène.

Vite repéré comme un maître de l’absurde, c’est le succès aux Deux Ânes, au Caveau de la République ou à La Lune rousse. On se délecte à entendre ses sketches de 1930 tels Mon cœur est un feu de Bengale ou Toto t’as t’y ton vélo… Celui qui n’a pas vu moissonner les nouilles n’a rien vu ! : le ridicule ne tuant pas, on éclate de rire, audiophone sur les oreilles, à l’écoute de la Fabrication de la confiture de nouilles.

Gravement loufoque

Alors que la TSF se déploie dans les foyers français – on admire au passage un superbe microphone à ruban – Pierre Dac aiguise sur les ondes, avec un accent parigot à couper au couteau, son humour qu’il qualifie de loufoque (un mot issu du louchebem, l’argot des bouchers). À Radio Cité, il lance en 1936 L’Académie des travailleurs du chapeau et anime l’année suivante sur le Poste parisien La Course au trésor et La Société des loufoques. Le bruit des bottes s’amplifie, l’humoriste lance alors l’hebdomadaire L’Os à moelle dont le premier numéro est tiré à 400 000 exemplaires. Entouré d’une sacrée équipe, le rédacteur en chef orchestre les railleries contre Hitler, Mussolini et leurs larbins.

L’heure est grave, mais on se marre à parcourir les numéros exposés, épaté par tant de talents. En juin 1940, fini de rigoler, la Wehrmacht occupe Paris et l’hebdo est interdit. Juste avant, Dac se réfugie avec sa compagne, Dinah Gervyl, à Toulouse. Après plusieurs passages en Espagne et en prison, il arrive à gagner Alger puis Londres. Là, il reprend du micro en 1943 dans l’émission Les Français parlent aux Français, diffusée sur la BBC. Avec La Défense élastique ou La Ronde du chanvre, l’humoriste manie la résistance en chantant. Ses éditoriaux valent leur pesant d’or. Jusqu’à son sublime Bagatelle sur un tombeau où la détermination ne laisse pas une once de place à l’humour.

À Philippe Henriot, secrétaire d’État à l’Information et à la Propagande du gouvernement de Vichy qui a déversé sa bile sur Radio Paris contre « Isaac André, fier de sa race », il répond : « Sur votre tombe, si toutefois vous en avez une, y’aura aussi une inscription (…) : Philippe Henriot, mort pour Hitler, fusillé par les Français ».

« Samuel Sorine, étudiant, Raymond Friedman, horloger, Anna Zolty, vendeuse… » Avant de passer à la salle suivante, on s’attarde, songeur, devant le mur des noms des « Habitants de l’hôtel Saint-Aignan » (là où est installé le musée) avec parfois la date de leur convoi, signé Christian Boltanski…

Sur les planches

Après avoir été résistant reporter et décoré pour ses combats contre l’ennemi, Pierre Dac remonte sur les planches, notamment au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, pour y jouer la version française de L’Instruction de Peter Weiss. Il tient le rôle du président du tribunal dans la pièce créée par Gabriel Garran en mars 1966, tirée du procès de Francfort-sur-le-Main jugeant vingt-deux responsables et gardiens du camp d’extermination d’Auschwitz. On reste scotché devant l’extrait diffusé, plus de cinquante ans après. « Les années Blanche » qui suivent nous permettent de nous payer derechef de franches rigolades en regardant les photos des deux compères et en écoutant leurs sketches : Le Parti d’en rire, Faites chauffer la colle, Malheur aux barbus et bien sûr Signé Furax. La visite continue et en sortant, alors que nous avons été tout du long de l’exposition ballotés entre rire et gravité, on se dit que dans ce XXe siècle tourmenté vécut un sacré mec.

Amélie Meffre


Pierre Dac. Du côté d’ailleurs, exposition jusqu’au 25 avril 2021 au musée d’art et d’histoire du Judaïsme, 71, rue du Temple 75003 Paris.

Photo de Une : Pierre Dac correspondant de guerre, accoudé à un camion militaire avec deux soldats. Est de la France, hiver 1944-1945. . Archives Jacques Pessis

 Pierre Dac et Francis Blanche dans le sketch Le Sâr Rabindranath Duval - Archives INA

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