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Qui veut la guerre des âges ?

Mardi 31 mai, France 2 consacrait pas moins de 2h20 à l'émission de François Lenglet, L'angle éco à "La guerre des âges". Sous couvert d'œuvrer à la réconciliation des générations cette émission aura été en réalité une machine de guerre entre les séniors et les jeunes. Une escroquerie.

Au-delà du narcissisme du personnage, qui n'a pas hésité à donner à son émission un intitulé qui identifie son nom à l'expertise économique et à silhouetter son profil dans le générique de l’émission, François Lenglet s'est taillé une réputation de journaliste économique, bien qu'il n'ait suivi aucune formation dans ce domaine. Il a construit sa carrière de journaliste économique dans la presse généralement acquise à l'idéologie libérale : L'Expansion, Les Echos, BFM Business, Le Point, pour finalement se voir confier une émission "L'angle éco sur une chaîne de service public France 2 en 2014, en partenariat avec…Le Point. Accusé à plusieurs reprises de "mensonges" et de "manipulations des chiffres", il est régulièrement invité au Journal télévisé de France 2 pour livrer ses analyses économiques.

Le sommaire édifiant de l'émission

Emploi : génération galère
Enquête dans les entreprises où sur les mêmes postes, des jeunes en contrat précaire côtoient des anciens en CDI.
Immobilier : les seniors ont tout raflé !
Reportage à Marseille, la ville de France après Paris où l'écart entre le pouvoir d'achat immobilier des jeunes et celui des seniors s'est le plus creusé.
Ma retraite ou ton emploi ?
Les objectifs de rendement élevés des fonds de pension peuvent parfois menacer l'emploi de jeunes salariés.
Canada : le pays qui aime les jeunes
Alors que le niveau de vie des jeunes stagne, voire recule dans la plupart des pays de l'OCDE, le Canada fait figure d'exception.
Le chassé-croisé des âges
En Europe, c'est le chassé-croisé des générations depuis la crise. Des Allemands passent leur retraite en Espagne et de jeunes Européens du Sud partent travailler outre-Rhin.

L'escroquerie

Le mot peut paraître fort mais il s'agit bien de cela, sur plusieurs aspects.
Le premier mensonge se niche dans la présentation : "François Lenglet brise un tabou...", or l'image des séniors privilégiés face aux jeunes qui galèrent est devenue un cliché récurrent des campagnes de culpabilisation des retraités. Pas un tabou donc, une rengaine.
L'objectif annoncé de l'émission et sa caution : la réconciliation entre les séniors et les jeunes. Or toute l'émission et chacun des reportages tendent au contraire à les opposer.

Le titre de l'émission, choquant, explicite : "La guerre des âges" limite l'enjeu des difficultés que traverse le pays à une affaire de générations. Générations qui sont en guerre, non pas contre le chômage, la vie chère, l'insécurité ? Non : entre elles. Opposer les victimes est toujours la meilleure façon de détourner l'attention des véritables causes de leurs malheurs. « C’est la guerre des âges qui est venu fracturer le monde du travail » selon François Lenglet.

Le choix des reportages. Il y avait une façon honnête de rendre compte de la vie des uns et des autres : des retraités riches, il y en a, des retraités pauvres, il y en a beaucoup, des jeunes riches, il y en a et des jeunes qui galèrent, il y en a beaucoup. Or, Lenglet a retenu surtout deux catégories qui intéressaient sa démonstration : des retraités aisés et riches, sur des images de croisières de luxe et de belles propriétés, et des jeunes précaires, pour opposer l'aisance des uns aux difficultés des autres. Manipulation. Le reportage auprès d’un ménage de retraités d’origine modeste qui a réussi à acquérir une maison avec une petite piscine est essentiellement là pour faire dire à leurs enfants qu’ils n’auront jamais cette possibilité.

Des citations soigneusement sélectionnées pour servir le propos de Lenglet :
"Ils ont connu l’âge d’or, ils en profitent encore. Jamais la vie n’a été aussi belle pour les séniors alors que les jeunes dans le même temps accumulent les difficultés."
Une retraitée : « Tout ce dont j’ai besoin je l’ai, tout ce que je veux je l’ai », « Les séniors ont tout raflé ». Une jeune : « Après 4 ans d’études en graphisme, le seul contrat que j’ai trouvé c’est un temps partiel dans la distribution publicitaire »

Les Prix Nobel. Surprise ! François Lenglet a invité Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, qui a démonté tous les arguments des néo-libéraux sur les causes des crises et leurs remèdes. L'interview est correcte, le prix Nobel, à la question de savoir d'où viennent les inégalités entre les séniors et les jeunes dans le monde, répond que c'est la financiarisation de l’économie et la dérégulation qui en sont la cause et qui conduisent les pays à la catastrophe.
Lenglet visiblement chagriné par les réponses évite de mettre en débat les arguments de Stiglitz en posant la question : "Pourquoi ces inégalités sont-elles plus marquées en France qu’ailleurs ?" et invite un autre prix Nobel de l’économie : le très libéral Jean Tirole. Ce dernier voit l’origine des difficultés dans les institutions Françaises qui n’ont pas été réformées…et voilà l’émission remise sur le terrain préalablement choisi des réformes, dont la loi Travail, "qu’il est si difficile de pratiquer en France".
Dans une tribune publiée dans Le Monde, Jean Tirole et un groupe d'économistes défendent le projet de loi El Khomri. Ils le qualifient «d'avancée pour les plus fragiles»

Ceux qui ont un emploi contre ceux qui n'en ont pas
Après que Romain Goupil, ancien de mai 68 et devenu très libéral, affirme qu’en France tout est « congelé par les politiques qui protègent leurs intérêts… », le directeur du Point ajoute « ils protègent surtout leur emploi contre ceux qui n’en ont pas. C’est le droit du travail qui protège la rente ( !) de ceux qui ont un travail contre les nouveaux venus, les jeunes, les femmes et les immigrés (…) et le paradoxe des Nuits debout c’est que les jeunes défendent le code du travail, alors que s’il y a une catégorie qui a intérêt à la réforme ce sont les jeunes »

La conclusion préprogrammée. Elle revient évidemment à Jean Tirole. La solution ? « Il faut libérer l’initiative des jeunes et pour cela il faut que les anciens laissent faire les réformes… C’est cela le libéralisme ».

Une émission de 2h20 pour en arriver à l’injonction répétée inlassablement depuis des années : réformer le marché du travail, le libérer des contraintes du droit du travail etc…
Une émission qui tombe à pic : un mouvement social imposant défend le droit du travail et met en cause la domination du capital financier sur nos économies. Faut-il préciser que ces éléments ont été écartés, comme l’a été l’intervention de Joseph Stiglitz, de cette émission et qu’aucun représentant de ce mouvement social n’a été invité ?
Cette émission devrait s’appeler L’angle escroc.

Le 9 juin les retraités rétabliront les faits et les exigences.


Pascal Santoni

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