La violence occupe nos écrans, chacun en voit les effets, mais la combattre suppose d’en identifier les causes. Ces causes si elles sont multiples sont à rechercher dans les effets précisément. En d’autres termes : à qui profite ce climat de violence ?
Habituellement l’information dominante sur les manifestations contre le projet de loi Travail sont immédiatement couvertes par des images de violences qui masquent opportunément le sens de la manifestation. Avec pour effet d’intimider, d’effrayer et d’empêcher celles et ceux des 74 % des Français opposés au projet de rejoindre la protestation et évidemment d’enfouir les raisons de cette opposition sous la violence des images. Mercredi jour de la manifestation des policiers on a assisté à une exception : les images de la voiture de police incendiée ont conforté la manifestation des policiers qui s’étaient mobilisés contre la « haine des flics ».
Le ressentiment des policiers toutefois n’est pas dirigé seulement contre les manifestants. À lire le témoignage de certains d’entre eux, gradés y compris, l’engrenage de la violence auquel ils participent et qu’ils subissent tient pour beaucoup à l’apparente incohérence des ordres qui leur sont donnés : les casseurs sont souvent épargnés en début de manifestation et laissés libres de leur mouvement, jusqu’à ce qu’ils se mêlent aux manifestants et suscitent les charges policières. La police est aussi sommée de repousser violemment les manifestants pacifiques ce qui ne manque pas évidemment de transformer une marches tranquille en affrontements.
La situation ainsi créée soulève un autre problème qui n’est pas moins inquiétant. S’il s’avère que des milliers de policiers en uniforme et en civils sont incapables de neutraliser quelques centaines de personnes particulièrement agressives à leur égard, comment imaginer qu’ils puissent nous protéger des terroristes ? Et ce n’est pas en insistant lourdement sur la « mobilité des casseurs et leur armement » que les policiers pourront convaincre la population de leur efficacité.
Il serait temps que le ministre de l’Intérieur, qui ne cesse de féliciter la police, s’explique sur l’étrange comportement de la hiérarchie policière. On voudrait en haut lieu retourner l’opinion favorable aux protestations contre le projet de loi Travail qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Sauf à supposer que cette hiérarchie ne tient plus ses troupes, ce qui est difficile à croire. Le résultat en tout état de cause c’est qu’un divorce s’est désormais établi entre la police et les citoyens qu’elle est censée défendre.
Les services d’ordre syndicaux sont également accusés de violence, particulièrement ceux de la CGT, alors qu’ils s’efforcent d’éviter que les manifestations dégénèrent. Ce ne sont certainement pas les syndicats qui ont un quelconque intérêt à des affrontements qui dénaturent l’objet des manifestations. Se demander à qui profitent ces violences c’est une bonne manière d’en identifier les causes, les objectifs et les responsables. Vouloir, contre la majorité des salariés, de la population et des syndicats, imposer par la force d’un article anti-démocratique de la Constitution et par les forces de l’ordre ne peut conduire qu’au désordre. C’est visiblement le choix fait par nos gouvernants dont on n’a même plus envie de rappeler qu’ils se prétendent de gauche, ni même qu’ils n’ont pas été élus pour ça.
Susciter la peur par médias interposés, semer la haine, qu’elle soit contre la police ou contre les manifestants, les syndicats et les participants aux Nuits debout, est certes une méthode de gouvernement efficace, mais combien de temps ?
Les syndicalistes retraités CGT que nous sommes ont connu ces moments de grande tension, de criminalisation de l’action syndicale, de répression, dans les entreprises et dans les rues, ils savent que c’est le fait d’un pouvoir en rupture avec ses citoyens. Ils savent aussi que cela peut créer des situations dangereuses. Mais ils savent surtout que c’est la mobilisation du plus grand nombre qui peut, qui doit écarter ces dangers et ramener le pouvoir à la raison.
Se mobiliser ce 19 mai et les jours qui viennent sous toutes les formes d’actions possibles, de la pétition à la manifestation et à la grève, pour obtenir le retrait du projet de loi dit Travail, c’est désormais la meilleure garantie de retrouver un climat apaisé pour construire un mouvement social combattif qui mette fin à la déliquescence de notre démocratie.
Pascal Santoni
Lire l'article d'ACRIMED (Action critique des Médias) qui a obervé les JT au soir de la manifestation des policiers.
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Journée d'action du 19 mai, Manuel Valls s'énerve, la CGT lui répond
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La vie de Madeleine Riffaud est un hommage à la résistance sous toutes ses formes et en toutes circonstances. Nous lui avons demandé de revenir sur les épisodes marquants de cette vie incroyable.