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Raymond Poulidor un champion populaire
Le 14 octobre 2015 à Limoges, à l'occasion des 120 ans de la CGT, Raymond Poulidor, Bernard Thibault et Philippe Martinez parrainaient la randonnée des cyclistes du Club omnisports de la CGT.

Des origines modestes, un parcours hors du commun, jusqu’à devenir une des icônes nationales… Comment expliquez-vous cela ?

Raymond Poulidor : Ça ne s’explique pas. Cette vie hors du commun, moi le paysan creusois, je la dois bien sûr à mes efforts, à une ligne de conduite que je me suis imposée et surtout à un public particulièrement affectueux, tendre, amical et bienveillant. En 1956, je gagne ma première course ; la gloire est venue toute seule. J’ai parcouru à vélo plusieurs fois le tour du monde, j’ai été applaudi, louangé, décoré, critiqué parfois…

Un vélodrome flambant neuf va même porter mon nom à Limoges. J’ai approché des stars, des géants du sport et de la politique de tous horizons… Même François Hollande qui, lors d’un salon du livre signait un ouvrage dans un stand voisin, moins entouré que le mien, se déclara impressionné par la persistance de ma notoriété…

Parti de nulle part, j’ai gravi tous les échelons. Mais au bout de toutes mes aventures, je suis toujours revenu chez moi, dans ma maison de Saint-Léonard-de-Noblat (Haute-Vienne). Je suis conscient d’apporter du bonheur, même si c’est avec le récit de mes malheurs.

Avec une prestigieuse carrière (1952-1977) où vous totalisez 189 victoires dont Paris-Nice, le Tour d’Espagne, le Dauphiné Libéré, le Critérium national, le Championnat de France, la Flèche Wallonne, Milan-San Remo… vous restez encore aujourd’hui l’éternel second. Pourquoi cet étonnant paradoxe ?

Raymond Poulidor : Tout simplement parce que je n’ai jamais gagné le Tour de France. Sur quatorze participations à la Grande Boucle, je fais cinq fois 3e et trois fois 2e. Ça a suffi à entretenir cette image car dans la tête des gens, ce qui compte, c’est le maillot jaune à Paris.
Mes prestations, parfois douloureuses, m’ont marqué et surtout marqué le public. Même si je ne gagnais pas, j’étais applaudi comme le vainqueur. Si j’avais gagné le Tour, je ne suis pas sûr qu’on parlerait encore de moi aujourd’hui. Au fond dans mon malheur, j’ai eu de la chance.

Encore aujourd’hui votre surnom « Poupou » résonne sur le bord des routes. Quelle est son origine ?

Raymond Poulidor : Ce surnom est né de l’imagination d’Emile Besson, un journaliste qui, avec son confrère de l’Humanité, Abel Michea auront magnifiquement raconté le Tour de France. Début 1962, avec l’écrivain René Fallet et une autre grande plume du cyclisme, Pierre Chany, les quatre compères devisent gaiement en attendant le départ d’une course. Michea et Chany, des « anquetilistes » convaincus, ne voyaient que par un autre Raymond, Mastrotto, surnommé « le taureau de Nay » tant sa puissance musculaire était impressionnante. Besson lui, fait part de sa préférence pour moi et suggère un surnom se terminant en « ou » comme c’était souvent le cas en Auvergne. « Poupou » par exemple.

Ses camarades le moquent ; Besson persiste et signe le lendemain, dans L’Echo du centre, alors grand quotidien communiste régional, un papier titré « Vas-y Poupou ». C’est aussi Besson qui, un peu plus tard, invente le mot « poupoularité ». Le jour d’après, L’Humanité publie un article de Michea intitulé « La nounou à Poupou » évoquant les liens étroits qui unissent un coureur à son directeur sportif, en l’occurrence Antonin Magne. Et voilà, la mode était lancée. Si j’avais perçu ne serait-ce qu’un centime à chaque fois que ce surnom a été crié sur le bord des routes, je serais milliardaire !

Et votre rivalité avec Anquetil, mythe ou réalité ?

Raymond Poulidor : C’était bien réel. Ma relation avec Anquetil n’a pas toujours été amicale. Je n’avais pas les mêmes origines que Jacques. Il représentait la France de la modernité et moi celle de la ruralité. À cette époque, la France aimait les duels : Bourvil-De Funès, Belmondo-Delon, Bardot-Deneuve, De Gaulle-Mitterrand… Lorsque je suis devenu professionnel, la gloire s’est faite tout de suite et c’était la guerre entre nous. Dans le peloton, le mot d’ordre était alors « Poulidor ne doit pas gagner ». Finalement, nous sommes devenus amis et je garde le souvenir ému de la fin de sa vie lorsque je suis allé à son chevet. Il m’a dit : « tu vois Raymond, sur ce coup-là, tu vas encore faire deuxième. Mais cette fois, c’est mieux pour toi ».

Propos recueillis par Michel Scheidt

À LIRE : Raymond Poulidor Champion ! 
Raymond Poulidor avec la collaboration de Bernard Vernet, 2015, éditions du Cherche Midi, 16,50 €.

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